On entend souvent dire :
« Je ne me trouve pas assez efficace quand je débats »
« J’ai peur de me confronter à mon supérieur hiérarchique »
ou encore « J’ai l’impression qu’on ne m’entend pas ».
Alors, pourquoi la plupart des collaborateurs se retrouvent dans cette situation ?
Tout d’abord rappelons qu’il existe différents types de débats, celui politique par exemple et celui en entreprise, mais le point commun reste la présence de parties antagonistes qui soutiennent des idées contradictoires.
En entreprise, mener un débat avec ses collaborateurs ou ses supérieurs est un des plus grands défis au quotidien.
Pour plusieurs raisons comme la peur de la confrontation, les complexes, le manque de pratique ou d’aisance relationnelle, vous pourriez être rapidement dans une réelle situation d’inconfort.
La question est donc de savoir comment argumenter pour débattre efficacement, sans se froisser avec son interlocuteur et en arrivant à faire passer ses idées de la bonne manière.
Essayons d’abord de comprendre pourquoi il est si compliqué de débattre dans un contexte professionnel.
Le problème vient du concept même de débat. On confond trop souvent un débat avec une bagarre générale.
Le débat en définition : le mot débat signifie étymologiquement « ne pas se battre ». Ceux qui le pratiquent ont tendance à s’impliquer émotionnellement et personnellement plus que de raison, et souffrent ainsi parfois de désarroi et de frustration.
En entreprise, une telle conception du débat peut nuire à la communication interpersonnelle sur le court et sur le long terme, même si un team building visant à renforcer les liens entre collaborateurs vient après les débats.
En effet, les mots restent ancrés dans l’esprit, les cicatrices émotionnelles sont parfois profondes et un sentiment de désengagement peut même faire surface si la communication n’est pas maîtrisée lors des débats.
Outre cela, 3 freins rendent les débats en entreprise encore plus difficiles :
En entreprise, très souvent, on ne débat pas, on combat.
Il est vrai que débattre consiste à soutenir son idée souvent face à une idée contraire, mais cela ne signifie pas qu’il faut faire preuve d’agressivité lors des discussions, qu’il faut “combattre”.
La réalité est pourtant plus rude. Dès lors qu’un débat est lancé, la première impression des antagonistes est que le débat est un combat qu’il faut gagner.
“C’est mon idée et j’ai raison ! L’autre devra s’y plier”.
Les interlocuteurs pensent donc qu’il faut nécessairement qu’une des parties soit le vainqueur et que l’autre soit le perdant.
Trop souvent, le débat est, à tort, une confrontation d’opinions exprimées. Pour les interlocuteurs, leurs opinions reflètent ce qu'ils sont, les idées qu’ils ont construites, leur position dans l’entreprise, leurs forces voire leur pouvoir. Et perdre peut-être pour eux une remise en cause existentielle et aussi de la place stratégique qu’ils ont acquise dans l’entreprise.
Rappelez que vous n'êtes pas là pour vous défendre personnellement, ou défendre vos opinions, vous êtes là pour prendre la meilleure décision en faisant passer vos idées clairement. C’est cette capacité qui vous permettra de vous construire une place et une identité forte.
Il y a une tension qui peut être forte dans un débat, c’est la peur que mon opinion (et donc moi-même) soit jugée par l’autre.
C’est ce que l’on peut appeler la mort sociale. Cette notion s’apparente à une autodérision qui amène quelqu’un à penser que personne ne serait d’accord avec son avis (quel que soit celui-ci). Il peut penser que ce qu’il est ne compte pas pour les autres.
Ce sentiment décourage la personne concernée à prendre part à un débat en entreprise, et le conduit à ce que l’on appelle une glaciation professionnelle ou « mort professionnelle ».
Cela provient notamment de la peur de se faire renvoyer, d’être sanctionné, ou même d’être jugé pour la simple raison que l’on exprime une opinion qui diverge de celle des autres.
D’un côté, il y a les opinions, c’est-à-dire les idées que l’on se fait de quelque chose, ce que l’on croit, ce qui fait notre différence, notre identité parfois. Elles ne sont pas forcément partagées par tous.
Puis, de l’autre côté, il y a les faits, qui, eux, sont irréfutables, acceptés de tous, et qui exigent que l’on prenne du recul sur sa propre opinion lorsqu’ils contredisent cette dernière.
Lorsque vous participez à un débat, il faut donc retenir qu’il y a une énorme différence entre les opinions et les faits. Un débat, pour être efficace, doit être basé sur des faits prouvés, car autrement il serait biaisé.
Lorsque le biais est trop important, il peut même arriver que la minorité qui tient les bons arguments (appuyés par des faits) perde face à une majorité qui reste focalisée sur une opinion faussée. Ce cas de figure est dangereux en entreprise.
Il s’agit de partir du principe que chacun est libre dans sa tête et que l’on ne peut forcer les autres à croire quelque chose sans comprendre avant ses raisons. Il est important d’analyser la carte mentale de son contradicteur, c’est-à-dire d’accepter que celui-ci puisse avoir un point de vue différent, d’essayer de comprendre ce point de vue, ses causes, pour pouvoir le faire changer d’avis.
Comprendre pourquoi il a cette opinion, ce point de vue, à partir des mêmes faits que vous.
Voici donc les 5 clés pour débattre efficacement et pour savoir faire passer ses idées comme le fait Harish Natarajan, le record mondial de victoires en tournois internationaux de débats :
Déminer ne doit surtout pas être confondu avec dominer ! Celui qui veut dominer un débat est celui qui se retrouve tout seul à la fin de celui-ci. L’objectif d’un débat est de participer au dialogue pour l’entreprise et non de vaincre individuellement.
Pour déminer, la première chose à faire est de bien cadrer la discussion, de bien expliquer à son interlocuteur le contexte pour que personne ne se mette hors sujet.
Il s’agira ensuite de trouver un terrain d’entente en se prêtant à un jeu de négociation, car souvent, vous pourrez dire que votre débat a été une réussite si vous n’avez pas été celui qui cherche les arguments qui tuent, mais celui qui trouve les arguments qui rapprochent pour faire adhérer.
Pour cela, identifiez ce qui vous met d’accord, sinon à défaut d’opinion commune, démarrez par une phrase du genre « il y a une seule chose sur laquelle on est d’accord, c’est peut-être qu’on est d’accord sur rien ». Cela ouvrira la porte à de nouveaux arguments s’il y en a et créera un climat de confiance. Lire aussi à ce sujet : 5 manières d'inspirer confiance à son interlocuteur au travail.
La dernière étape du déminage en débat est d’accueillir les remarques et/ou objections de la partie adverse, et ce sincèrement, car c’est ce qui vous permettra d’avancer, de comprendre l’autre et de construire ensemble.
Cadrer → Trouver un terrain d’entente → Accueillir les remarques
Vous constatez qu’il y a un poste de commercial vacant et vous souhaitez positionner Florence, qui était dans la gestion auparavant. Pour cadrer votre discussion, vous allez dire :
" On est en train de procéder à une réorganisation. Il y a un poste de commercial à pourvoir. On se posait la question de confier cette mission à Florence. Je crois que tu n’es pas pour. Moi, je suis plutôt pour. Discutons-en."
=> On fixe le cadre du dialogue.
Si vous avez trop d’arguments, vos arguments les plus faibles sont les contres arguments les plus forts de votre interlocuteur.
Alors que vous aurez énuméré vos nombreux arguments du plus faible au plus fort, votre adversaire prendra progressivement le dessus en les réfutant les uns après les autres et tentera de désamorcer progressivement vos meilleurs arguments. Vous risquez de perdre votre crédibilité et votre assurance au fur et à mesure.
Cela lui fera une belle avance, mais pour éviter qu’il ne vous évince, concentrez vos arguments les plus importants.
Il vaut mieux arriver avec 3 ou 4 arguments qu’avec huit ou neuf pour éviter de vous disperser. Ayez plus d’impact avec des idées fortes.
Lire aussi : Convaincre à distance : Ethos, Pathos, Logos et autres conseils.
Il est important de savoir faire un pas de l’autre côté pour apaiser la tension. Sortez du conflit. Ne soyez pas impitoyable, ne blessez pas votre interlocuteur avec vos mots, car cela affecterait son égo et le pousserait à vous en vouloir ; ce qui n’est pas le but d’un débat.
Si votre adversaire tient des propos passif-agressifs ou même blessants, accueillez-les en concédant qu’il a raison, que son point de vue fait partie de son identité qu’il convient de respecter. Il ne s’y attendra pas, ce qui vous permettra de dévier formellement, le débat de l’émotion personnelle vers la raison professionnelle. Il ne faut surtout pas rentrer dans ce jeu d’hostilité.
Bref, restez agile, courtois et serein pour sortir de la spirale attaque-défense.
Reprenons l’exemple de Florence. Si votre interlocuteur vous attaque en disant
"De toute façon, cette Florence, tu l’adores. Et c’est pour cela que tu veux lui confier ce poste"
Vous pouvez lui répondre en disant :
"Tu as raison, j’aime beaucoup Florence. D’ailleurs, il y a beaucoup de raisons humaines et professionnelles. Elle a des valeurs et elle obtient de très bons résultats. Elle est très engagée. Oui, tu as raison, je tiens beaucoup à elle. Mais par contre, c’est la deuxième partie de ce que tu as dit qui n’est pas tout à fait juste. En fait, il y a tout pour qu’elle aille sur ce poste, parce qu’elle a toutes les qualités et les compétences pour prendre cette responsabilité. Si tu veux, on peut en discuter."
=> Dans ce cas, vous montrez votre côté accueillant et bienveillant. Vous n’attaquez pas son idée. Vous valorisez vos idées communes, vous êtes plutôt d’accord sur son idée en disant « Oui, tu as raison ».
Rien de tel qu’un bon questionnement pour déconstruire une opinion à laquelle on n’adhère pas : mettez votre interlocuteur sur son pivot.
Posez-lui des questions à partir desquelles vous pourrez le faire pivoter en relatant des faits et leurs effets afin qu’il sorte un peu de ses opinions et de ses à priori.
A chaque réponse factuelle qu’il donnera, vous l’aurez orienté vers une autre opinion, qui pourrait d’ailleurs se rapprocher de la vôtre.
C’est ce que l’on appelle le dialogue ou questionnement socratique. L’objectif est de poser des questions pour que votre interlocuteur examine de nouvelles perspectives par rapport à son hypothèse de départ et modifie petit à petit son opinion. Cela permet une restructuration de sa pensée.
Vos questions peuvent permettre de :
Dézoomer c’est prendre de la hauteur, se mettre d’accord sur les enjeux, le contexte pour pouvoir repartir du bon pied ensemble, puis mieux redescendre.
Quand on est perdu en voiture ou en balade, souvent on dézoome.
Où suis-je ? Certes ! Mais surtout je viens d’où ? Où est-ce que je voulais aller ?
Quel est mon environnement autour de moi ? Où est le Nord ? Où est le soleil ?
Progressivement on élargit sa vision, on dézoome pour repartir du bon pied.
Et pour terminer, vous pouvez complexifier en introduisant de la nuance en évoquant une opinion plus ou moins conciliatrice.
Montrez que les choses ne sont jamais toutes noires ou toutes blanches. Il faut sortir du biais binaire et radical qui rendent les choses polarisantes. En campant sur des positions binaires, opposées, votre interlocuteur à souvent l'impression d’exister par rapport à vous. Plus cette dualité sera forte, plus cela le renforcera dans ce qu’il pense.
Complexifier, sortez d’une logique binaire, la solution n’est pas uniquement noire ou blanche. En effet, la meilleure des idées est souvent haute en nuances de couleurs.
Concernant Florence, le questionnement peut être le suivant :
=> En le questionnant ainsi, vous allez dézoomer pour partir du contexte global puis descendre petit à petit et votre interlocuteur va être déconstruit. Et en se basant sur ces réponses, vous allez pouvoir aller vers la solution qui vous semble la plus efficace.
1. Vous déminez : vous commencez par déminer, vous ne cherchez pas à dominer, vous cherchez le terrain d’entente, vous cadrez bien et vous accueillez l’autre. Vous permettez au dialogue de s’instaurer.
2. Vous concentrez : Venez avec vos arguments les plus forts, parce que votre interlocuteur utilisera les plus faibles pour torpiller les plus forts.
3. Vous apaisez : vous ne devez pas rester seul sur le ring pour combattre l’autre, parce que ce n’est pas comme ça qu’une entreprise se construit et qu’elle avance.
4. Vous déconstruisez : vous essayez de le faire passer des opinions aux faits et en lui faisant répondre à des questions que vous lui posez. Montrez que vous vous intéressez à son point de vue, pour le faire pivoter progressivement.
5. Vous dézoomez : vous prenez de la hauteur pour vous permettre d’introduire de la complexité, sortir d’une logique binaire pour trouver une solution innovante
Maintenant que vous avez la théorie, qu’en est-il de la pratique ?
💡 Réussissez vos présentations, débattez et argumentez sur un projet ou des idées à l’oral, tout en étant convaincant
Cette méthode d'argumentation sera pour vous l’occasion de tester ce que vous n’oseriez pas testé dans votre contexte professionnel pour gagner en aisance et en impact dans vos échanges et vos débats !
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